Le projet de tunnel sous le Semnoz : mythe et réalités

Par Olivier Labasse – Bien Vivre à Veyrier
Bouchon sevrier car JP Crouzat (1)
Photo Jean-Pierre Crouzat FRAPNA

Depuis des décennies, le tunnel sous le Semnoz ressort de sa montagne, comme le serpent de son loch Ness, et échauffe les esprits. Attendu d’abord comme le « chainon manquant » d’une route à grande circulation Genève- Albertville (après l’abandon de la voie ferrée ouverte en 1901 et avant la création de l’autoroute A41), puis aujourd’hui, alternativement selon sa commune, comme la solution d’amélioration de la circulation sur la rive Ouest ou le contournement d’Annecy par un financement extérieur, on sait désormais que ses conséquences seraient négatives pour le plus grand nombre. Coup sur coup, 3 études diligentées entre 2012 et 2015 par le Conseil Général devenu Conseil Départemental de la Haute-Savoie (CD74) et la Communauté de l’agglomération d’Annecy (C2A), le montrent sans conteste. En confirmation de toutes les analyses similaires d’experts du transport et de l’urbanisme, français et internationaux[1].

Pourtant, la force d’inertie et les vieilles croyances emportent les élus vers un projet inconsidéré dont ils porteraient la lourde responsabilité devant les habitants du bassin annécien et pour les générations futures: embouteillages accrus, atteintes graves à la santé, au site, aux finances publiques.

Il faut arrêter de se tromper et, pour cela, en venir à la vérité des faits et des chiffres des 3 études, lesquels sont plus têtus que toutes les vieilleries idéologiques, pour révéler l’évidence, démythifier la légende, démystifier les crédules.

L’étude la plus récente, est celle du groupement BG Ingénieurs Conseil [2]présentée aux élus fin octobre 2015. Elle évalue l’impact sur le trafic routier, à l’horizon 2030, qu’aurait le projet couplé « Tunnel sous le Semnoz + BHNS » (Bus à Haut Niveau de Service ?)[3] avec une nouvelle voie urbaine (NVU) reliant le tunnel d’accès au lac (RD 1508) au nœud routier de Vovray (130 000 à 180 000 véhicules/Jour selon les « comptages permanents » du CD 74). Les augmentations de trafic liées au projet couplé Tunnel- BHNS varient en 2030 de + 26% à + 75% en heure de pointe, selon les hypothèses, le soir ou le matin, les sens de circulation et les tronçons de la rive Ouest, par rapport à une « situation de référence 2030 sans  tunnel »; soit de +43% à + 79% par rapport au vécu des automobilistes de 2015.

L’étude TRANSITEC-SYSTRA[4]  2013-2014 veut chiffrer dans son diagnostic du 28/10/2013 « l’impact potentiel du projet de tunnel sous le Semnoz » à l’horizon 2035 ; il varierait de + 26%, + 20% ou + 19% selon les communes.(% auxquels il faut ajouter l’augmentation liée à la démographie par rapport à 2013) On peut y lire la conclusion : « La réalisation du tunnel […] génèrerait des perturbations sur les communes de Sevrier et Saint-Jorioz par une augmentation importante du trafic aux heures de pointe ».

L’étude TTK[5] de 2012, la première et seule étude multimodale de la série pour les transports collectifs et les alternatives à la RD 1508 (Annecy à Faverges), propose trois scénarii à l’horizon 2030 pour le bassin annécien, avec Tunnel et Bus déclaré HNS (haut niveau de service), sans tunnel et avec TSCP guidé (Transport Collectif en Site Propre) sur rail (ou autre dispositif de guidage permettant de réduire son emprise) et la longueur des aménagements. Le scénario «TCSP guidé et pas de tunnel » est recommandé car il porte réduction de la congestion sur la RD 1508 (- 20% entre Sevrier et Annecy). Les résultats détaillés (tronçons, communes…) de ces 3 études sont présentés dans la fiche 7 du Grenelle datée du même jour (Lire la Fiche détaillée)

Les choix actuels des exécutifs locaux, élus décideurs et leurs administrations,penchent, de façon incompréhensible, pour le scénario le plus cher pour le contribuable (près de 300M€), le plus négatif pour résoudre les problèmes de mobilité et d’encombrement qu’il amplifiera selon leurs propres études, le plus nuisible pour la santé (émissions accrues à la proportionnelle de microparticules, NOx…), le moins bon pour l’environnement et le climat (augmentation corrélée des Gaz à Effet de Serre) et la protection des sites touristiques.

En contradictions totales avec les objectifs du SCoT (« réduction de l’usage de la voiture par report sur des transports en commun attractifs »),ceux du Plan Climat Energie territorial (« réduction des émissions de GES »), de l’engagement TEPOS (territoire à énergie positive) signé le 20/08/2015 en présence du Président de la République et du Ministre de l’Environnement (« réduction des GES et diminution des transports individuels, notamment en zone péri-urbaine »), des engagements internationaux de la COP 21, de la Convention Alpine, de l’Europe.

Cessons de confondre l’objectif partagé « l’amélioration de la mobilité » avec l’une des solutions historiques étudiée puis rejetée, celle du « tout voiture individuelle ».Seule la mise en œuvre de transports collectifs attractifs, c’est-à-dire rapides, réguliers, ponctuels, sécurisés, confortables, décarbonés permettra d’atteindre les objectifs annoncés pour le bassin du Lac. Toutes les villes modernes le savent et les mettent en place pour améliorer la qualité de vie des résidents, l’attractivité touristique, la compétitivité économique.

 Olivier Labasse

[1] Lois de Zahavi, Downs & Thomson ; confirmations régionales avec les tunnels de la Croix Rousse et de Fourvière à Lyon, les trafics induits par l’A45 doublant l’A47, etc…

[2] 2015 : étude « Projet de mobilité ouest : tunnel sous le Semnoz / BHNS 1508 / NVU » réalisée par le Groupement BG Ingénieurs Conseils  commandée par le CD74 et la C2A.

[3] Improprement nommé car un « haut niveau de service » ne peut être obtenu avec une circulation majoritaire sur le parcours de la RD 1508 

[4]  SYSTRA (SNCF, RATP) : étude 2014 « TCSP de la RD1508 sur la rive Ouest du lac d’Annecy » réalisée par Transitec, Gautier& Conquet, SYSTRA ; commandée par le Conseil Général de la Haute-Savoie et la C2A.

[5] Etude TTK (Transport Technologie Karlsruhe), octobre 2012 « Schéma multimodal des transports du bassin annécien », commandée par la C2A.

2 commentaires sur « Le projet de tunnel sous le Semnoz : mythe et réalités »

  1. Vous avez raison …. en général. Vous oubliez que vous habitez une région « difficile » sur le plan géographique. Vous avez les avantages des pentes – qui donnent des vues – qui donnent un lac, etc. mais qui ne facilitent pas le maillage (précisément) des voiries, et l’interdisent ici ou là. Allez à Bourges et vous verrez comment il y est plus facile de mailler le réseau viaire (de voirie) – mais pas de lac ni de belles perspectives. Vous avez donc les avantages de la vie en territoire montagneux et vous voulez avoir les avantages de la vie en plaine. Pas possible ! Comme manger beaucoup de chocolat sans avoir de problèmes après !!! Il faut choisir !!!

  2. Bonjour,

    Je réagis à la lecture de cet article d’Olivier Labasse « Le projet de tunnel sous le Semnoz : mythe et réalités ».

    Habitant le hameau de La Planche à Sevrier, je comprends l’argumentaire de l’augmentation du trafic et donc de la pollution. Cependant il n’est jamais question du blocage possible de la circulation sur l’ex RN508 en raison de l’absence totale de déviation en cas d’accident, ou toute autre cause, entre le rond-point de la route du col de Leschaux et Annecy. Hier un banal incendie, lié à des travaux sur un balcon d’une villa près de l’hôtel Beauregard, en a encore fait la démonstration.

    Un réseau routier doit être « maillé » pour fonctionner correctement, c’est à dire qu’une autre voie doit pouvoir être empruntée en cas de blocage sur la première. Ce n’est pas le cas à Sevrier où tout a été fait pour fermer à la circulation ce qui était pourtant « l’ancienne route d’Annecy » !

    Maintenant il faut choisir entre le tunnel et la requalification de l’ancienne route. Cette dernière hypothèse étant improbable, je suis favorable à la construction du tunnel du Semnoz qui permettra un maillage acceptable du réseau.

    Cordialement
    Xavier Blanc

Laisser un commentaire