Monsieur Jean -Luc Rigaut
Président de la C2A
Annecy, le 23 avril 2015
Objet: Schéma multimodal des transports du bassin annécien à l’horizon 2030 : projets Annecy- Faverges
Demande d’organisation d’une concertation publique documentée
Monsieur le Président
Tout le monde s’accorde sur la congestion avérée de la rive Ouest du lac d’Annecy et, par voie de conséquence, de celle de la rive Est, aux heures de pointe. Les comptages publiés en 2013 par le Conseil Général sont sans appel : 2000 véhicules/h à Sevrier (ou 28520 véhicules /jour) et 1600/h à Veyrier-du-Lac (ou 23500 /j)[1]. Aux heures perdues dans les encombrements, aux nuisances sonores dépassant les normes admises en décibels pour les riverains, s’ajoutent, plus gravement, celles de la pollution (particules fines, NOx…)[2] et l’émission accrue de GES.
Pour répondre à cette situation mal vécue par les utilisateurs et dangereuse pour les habitants et aussi pour mieux satisfaire la demande accrue des besoins de mobilité à l’horizon 2030, la C2A, Maitre d’ouvrage, a diligenté des études prospectives en la matière auprès de l’Agence TTK et de son co-contractant PTV France.
Après un diagnostic approfondi de la situation et du constat d’un déficit en terme d’intermodalité et de transport collectif sur les rives Ouest et Est du lac, 3 scénarii de « transports tous modes » ont été décrits et analysés pour le transit Annecy- Albertville et la traverse Sevrier- Saint-Jorioz- Duingt, allant de la poursuite de la prépondérance de la voiture individuelle sur les transports collectifs, au développement d’une offre performante de TC avec stabilisation de la circulation des véhicules particuliers (sans tunnel routier).
Les 13 associations signataires expriment leur grande inquiétude quant au choix affiché par le Conseil Général, devenu aujourd’hui Conseil Départemental, dans ses communiqués péremptoires, qui retient, avec la C2A, la solution déconseillée par le consultant TTK, laquelle aggrave fortement les risques pour la santé des habitants, la congestion des voies de circulation, la consommation d’énergie, la dépense publique inutile (280M€) et l’atteinte à l’environnement sur un site remarquable.
En effet, le scénario A (i.e. Tunnel routier sous le Semnoz prolongé par une Voie Nouvelle Urbaine couplé à un faux BHNS) ne répond en rien à la problématique du transport et de la qualité de l’air du bassin annécien. Il est en opposition avec les objectifs environnementaux du SCoT, incompatible avec les lois Grenelle, la Convention Alpine et les engagements de l’Etat et de l’Union Européenne.
Compte tenu de la croissance démographique retenue par le SCoT (fourchette haute de la projection INSEE) d’ici à 2030, du trafic induit par un tunnel raccordé à un nœud de 5 routes totalisant (actuellement) 140 000 véhicules par jour en moyenne (180 000 en jours de pointe) et de la très faible attractivité d’un bus abusivement dénommé BHNS (par rapport à la définition usuelle de l’acronyme) qui ne circulera que très minoritairement en site propre sur son parcours, le trafic routier au-delà de Sevrier, tout comme le report consécutif du transit sur la rive Est, ne pourront qu’augmenter considérablement. Cet accroissement de trafic induit jusqu’à Faverges avait déjà été relevé dans une note du 3 septembre 1998 de Monsieur Bernard Bosson et pris en considération dans la dernière étude de SYSTRA qui prévoit la saturation d’un tel tunnel routier dès 2035 !
Il semble important de rappeler que l’étude pour le « Schéma multimodal des transports en bassin annécien à l’horizon 2030 » commandée par la C2A à TTK préconise en revanche, pour la rive Ouest, l’abandon du projet de tunnel routier encourageant l’usage de la voiture et ses conséquences négatives au profit d’un transport en commun en site propre (TCSP) guidé, « seule alternative crédible à la voiture » (sic). Ce dernier serait, en effet, le seul à pouvoir, par son emprise minimale, côtoyer en site propre intégral la voie verte[3] sur la même emprise et permettre ainsi fluidité, régularité et confort ainsi qu’une interconnexion directe en gare. Votre consultant a estimé que cette alternative, représentée par son scénario C, était la seule à permettre le transfert modal de 25%, taux minimum jugé nécessaire pour réduire la congestion d’ici à 2030 et, partant, les émissions nocives à la santé.
La disponibilité foncière de l’ancienne voie ferrée, les tunnels de Duingt (à élargir éventuellement pour la voie verte, ou, mieux, à contourner pour cette dernière) et de La Puya (à ne réhabiliter que légèrement pour un TSCP guidé de nouvelle génération) ainsi que la voie ferrée sauvegardée de la rue de la Cité à la gare d’Annecy sont des atouts décisifs. Enfin, le coût de cette solution recommandée par le consultant, seule à même de réduire le trafic routier d’Annecy à Faverges, serait comparable aux estimations connues à l’heure actuelle (investissement et exploitation) du projet couplé prôné par le Conseil Général et la C2A qui, lui, ne peut que conduire de façon irréversible à une très forte augmentation de la congestion au-delà de Sevrier et à un report accru de transit sur le site sensible de la rive Est exigüe, transformant définitivement le Lac d’Annecy en lac urbain, loin du slogan « L’oxygène à la source ».
Les politiques d’urbanisme et des transports doivent être mieux coordonnées, le totalitarisme archaïque annécien du « tout voiture » abandonné, la raison, la santé publique et l’intérêt général l’emporter. Nous vous demandons, Monsieur le Président, d’organiser une concertation pluraliste et apaisée du projet Annecy-Faverges avec les partenaires institutionnels concernés : Conseil Départemental, C2A et communes desservies, Région et la société civile de façon à éviter la transformation de la rive Ouest en périphérique de l’agglomération annécienne. C’est ce que les14 associations réunies désormais en collectif dénomment « Grenelle des transports et de la qualité de l’air du bassin annécien », comme les journaux s’en sont fait l‘écho. Sortons du tunnel ! Il en va de la qualité et du cadre de vie de tous et de votre responsabilité évidente devant les générations futures.
Nous avons informé Monsieur le Préfet de cette démarche ainsi que le Président du Conseil Départemental. La courtoisie nous conduit à vous signaler que les Maires et élus des communes concernées et les Conseillers départementaux intéressés recevront prochainement un dossier d’analyse du projet et de ses composantes.
Restant à votre écoute pour tout complément d’information et vous rencontrer en vue d’organiser ce Grenelle avec l’ensemble des acteurs et réfléchir ensemble à l’architecture de son programme pour en optimiser les chances de réussite au regard de la gravité des conséquences de la poursuite d’un projet « tout routier » mal engagé, totalement anachronique et inapproprié au site.
Nous vous prions, Monsieur le Président Rigaut, d’agréer l’expression de nos sentiments respectueux.
Le Collectif du Grenelle
LE GRENELLE DES TRANSPORTS ET DE LA QUALITE DE L’AIR DU BASSIN ANNECIEN
[1] Cf. annexe- fiche 1
[2] Cf. annexe – fiche 2
[3] La vocation initiale de cette emprise et sa justification a été la création d’une voie chemin de fer entre Annecy et Albertville via Faverges, ouverte au trafic- voyageurs le 3 juin 1901.Par suite de l’essor du trafic automobile, la section entre Saint Jorioz et Doussard a été neutralisée en 1953 et déclassée par la SNCF en 1964. La section entre Annecy et Saint Jorioz a été neutralisée en 1966. La voie ferrée subsiste entre Ugine et Albertville pour le fret marchandise. Les premiers kilomètres de piste cyclable ont été inaugurés au départ d’Annecy en 1976. Subsistent l’assiette, la levée, les ouvrages d’art (tunnel…)