Depuis 30 ans, le tunnel sous le Semnoz est invoqué et sa réalisation a été sans cesse repoussée. Il est encore attendu aujourd’hui par beaucoup comme la solution d’amélioration de la circulation sur la rive Ouest. Le contexte a pourtant totalement changé dans l’intervalle et on sait désormais qu’il n’en serait rien, et même le contraire. Les 3 études diligentées entre 2012 et 2015 par le Conseil Général devenu Conseil Départemental de la Haute-Savoie (CD74) et la Communauté de l’agglomération d’Annecy (C2A) le révèlent d’évidence. En confirmation de toutes les analyses des experts du transport et de l’urbanisme, français et internationaux[1].
Pourtant, la force d’inertie et les vieilles croyances emportent les élus vers un projet estimé comme désastreux dont ils porteraient la lourde responsabilité devant les habitants du bassin annécien et pour les générations futures: embouteillages accrus, atteintes graves à la santé, au site, aux finances publiques.
Il faut arrêter de se tromper et, pour cela, en venir à la vérité des faits et des chiffres de 3 études, lesquels sont plus têtus que tous ceux qui persistent, sans voir, à croire des promesses qui n’engagent qu’eux.
Tous les chiffres cités proviennent du Conseil Départemental de la Haute-Savoie et, avec la C2A, de leurs études.
- L’étude du groupement BG Ingénieurs Conseil [2]de 2015 (et enquêtes téléphoniques Alysesofreco).
Présentée aux élus fin octobre 2015 et, sous forme plus succincte, à l’expertise indépendante des représentants du Grenelle des transports et de la qualité de l’air du bassin annécien en janvier 2016 ; elle évalue l’impact sur le trafic routier, à l’horizon 2030, qu’aurait le projet couplé « Tunnel sous le Semnoz + BHNS » (Bus à Haut Niveau de Service ?)[3] avec une nouvelle voie urbaine (NVU) reliant le tunnel d’accès au lac (RD 1508) au nœud routier de Vovray (130 000à 180 000 véhicules/Jour selon les « comptages permanents » du CD 74).L’étude modélise le trafic selon 2 hypothèses :
- Hypothèse basse: trafic stabilisé malgré la hausse de la population (+ 13,4% entre 2015 et 2030 ; // SCoT), des besoins de mobilité et de l’emploi (scénario peu probable à notre sens)
- Hypothèse haute: croissance du trafic liée à la croissance sociodémographique et aux besoins de mobilité.
Les chiffres révèlent, sans appel, que la circulation constatée de Sevrier vers Annecy (1040 véhicules /heure le matin en heure de pointe dans le sens dominant sur la RD 1508) serait amplifiée avec le tunnel (1310 ou 1530 véhicules/h, selon les hypothèses, soit +26% ou +47%) et la congestion déplacée sur les tronçons Sevrier-Saint-Jorioz-Duingt. Les augmentations de trafic du projet couplé tunnel + BHNS seraient, selon l’étude du CD 74:
Heure de pointe | Tronçon | Direction | Trafic avec tunnel + BHNS / sans tunnel 2030 | Ecart 2030 avec 2015 | |
Hypothèse basse | Hypothèse haute | Hypothèse haute | |||
Matin | Sevrier – St Jorioz | Vers Annecy | +32 % | +43 % | +61 % |
St Jorioz – Duingt | Vers Annecy | +56 % | +75 % | +79 % | |
Soir | Sevrier – St Jorioz | Vers Duingt | +13 % | +27 % | +53 % |
St Jorioz – Duingt | Vers Duingt | +18 % | +44 % | +47 % |
Les chiffres seraient plus défavorables encore si l’on prenait en compte l’effet tunnel seul, puisqu’il n’y aurait pas le modeste report modal vers le BHNS. Le coût du projet couplé « tunnel+ Bus dit HNS » a été réévalué par le CD74 (base 09/2013), à 204 millions € (149,5M€ + 54,3M€[4]), hors NVU (estimée antérieurement à 83M€) pour les finances publiques, c’est-à-dire aux frais des contribuables. Pour un aspirateur à voitures pour la rive gauche du lac, provoquant les désastreuses augmentations de trafic et de la pollution qui l’accompagne[5], au détriment de la mobilité recherchée et de la santé à protéger.
- L’étude TRANSITEC-SYSTRA[6] 2013-2014
Cette étude indique, en page 110/116 du diagnostic du 28/10/2013 « l’impact potentiel du projet de tunnel sous le Semnoz » à l’horizon 2035 : + 26% entre Annecy et Sevrier (3150 véhicules/heure dans les 2 sens, dont 1950 dans le tunnel et 1200 sur la RD 1508 aux Marquisats, contre 2500 sans le tunnel),+ 14% entre Sevrier et Saint-Jorioz (2030 avec tunnel versus 1780 sans), +18,5% entre Saint-Jorioz et Duingt (1600/1350), + 19,7% entre Duingt et Doussard (1520/1270). On peut y lire la conclusion : « La réalisation du tunnel […] génèrerait des perturbations sur les communes de Sevrier et Saint-Jorioz par une augmentation importante du trafic aux heures de pointe ». A-t-elle été présentée dans l’entièreté de ses attendus et conclusions aux élus et aux habitants de la rive Ouest ? Il y a, suite aux rencontres de ces derniers mois avec eux, de nombreuses raisons d’en douter.
- L’étude TTK[7] de 2012 : étude multimodale pour les transports collectifs et les alternatives à la RD 1508
Cette étude, initiale et multimodale, d’octobre 2012 propose trois scénarios à l’horizon 2030 pour le bassin annécien :
- Scénario A : projets routiers, dont tunnel sous le Semnoz, 3 lignes de BHNS
- Scénario B : projets routiers stabilisés (pas de tunnel), 4 lignes de BHNS, + 1 TCSP : « Transport en Commun en Site Propre » (sur voie dédiée) guidé (sur rails) d’Annecy à Duingt.
- Scénario C : scénario B + TCSP guidé Annecy-Faverges + lignes périurbaines cadencées d’autocars express
Elle a révélé, il y 4 ans déjà, que le scénario A (tunnel et BHNS) entrainerait une augmentation de circulation de +30% entre 2013 et 2030 (de 22300 véhicules /jour à 29000), un faible report modal vers le BHNS (8%). Il est explicitement déconseillé. Le scénario B est plus favorable car la part des transports collectifs passe à 24% pour Duingt et 26% pour Faverges. Le scénario C (TCSP guidé[8] et sans tunnel) est recommandé car il porte réduction de la congestion sur la RD 1508 de – 20% entre Sevrier et Annecy.
L’étude TTK présente aussi ses évaluations sur les autres critères (‘-‘ = incidence négative, ‘+’ = incidence positive) :
Scénario |
A |
B |
C |
Impact climatique (CO2) |
+ |
+ + |
+ + + |
Nuisances (bruit, pollution, coupure) |
– – – |
– |
– |
Impact sur les milieux naturels (biodiversité, eau, air) et impact paysager |
– – – |
– |
– |
Effets indirects sur l’urbanisation (nuisances futures) |
– – – |
+ + + |
+ + + |
Synthèse
Les choix actuels des Exécutifs locaux, élus décideurs et leurs administrations, sont, de façon incompréhensible, très proches du scénario A : le plus cher pour le contribuable, le plus négatif pour résoudre les problèmes de mobilité et d’encombrement qu’il amplifiera selon leurs propres études, le plus nuisible pour la santé , le moins bon pour l’environnement et la protection des sites touristiques.
Recommandation pour action
Les temps ont changé et la réalisation du « chainon manquant » routier entre Genève et Albertville par la rive Ouest n’est plus d’actualité. Il ne faut plus confondre l’objectif partagé « l’amélioration de la mobilité » avec l’une des solutions historiques étudiée puis rejetée, celle du « tout voiture individuelle » Seule la mise en œuvre de transports collectifs attractifs, c’est-à-dire rapides, réguliers, ponctuels, sécurisés et confortables se révèle comme permettant d’atteindre les objectifs annoncés et poursuivis. Toutes les villes modernes le savent et les mettent en place pour améliorer la qualité de vie des résidents et l’attractivité touristique.
Les chiffres ne sont pas des objets politiques. La rétention de l’information ou sa diffusion sélective ne sont plus, en 2016, des modes de gouvernance acceptables. Il nous faut, dans le bassin annécien, abandonner les vieilleries idéologiques et changer de logiciel pour sortir du tunnel et entrer résolument dans le 21ème siècle et la modernité.
C’est pourquoi les 15 associations de la société civile pour un « Grenelle des transports et de la qualité de l’air du bassin annécien », ont effectué l’audit des 3 études commandées depuis 5 ans par la C2A et le Département et proposé leur expertise indépendante de tout intérêt politique et économique.
C’est pourquoi elles demandent que soit organisé avant qu’il ne soit trop tard, sous l’égide des exécutifs qui en ont la responsabilité devant les citoyens et pour les générations futures, un forum public dans lequel seraient enfin séparés l’exposé objectif et le débat argumenté. Bel exercice de démocratie locale dont leurs Présidents sortiraient grandis et les habitants rassérénés.
Contacts
Courriel : grenelleannecy@gmail.com
Site internet : www.grenelleannecy.net
[1] Lois de Zahavi, Downs & Thomson ; confirmations régionales avec les tunnels de la Croix Rousse et de Fourvière à Lyon, les trafics induits par l’A45 doublant l’A47, etc…
[2] 2015 : étude « Projet de mobilité ouest : tunnel sous le Semnoz / BHNS 1508 / NVU » réalisée par le Groupement BG Ingénieurs Conseils commandée par le CD74 et la C2A.
[3] Improprement nommé car un « haut niveau de service » ne peut être obtenu avec une circulation majoritaire sur le parcours de la RD 1508
[4] Le rapport Transitec- Systra (8/12/2014, §4, page 9/42) évalue à 68 256 000€ le « coût d’investissement de l’opération BHNS » (vs 54,3M€ ?).
[5] Annecy a été classée 2ème ville la plus polluée de France en 2014 par l’OMS et ville la plus polluée de Rhône-Alpes en 2015 (voir fiche ad hoc n° 4 du Grenelle)
[6] SYSTRA (SNCF, RATP) : étude 2014 « TCSP de la RD1508 sur la rive Ouest du lac d’Annecy » réalisée par Transitec, Gautier& Conquet, SYSTRA ; commandée par le Conseil Général de la Haute-Savoie et la C2A.
[7] Etude TTK (Transport Technologie Karlsruhe), octobre 2012 « Schéma multimodal des transports du bassin annécien », commandée par la C2A.
[8] Soit sur rail.